lundi 7 février 2011

Pourquoi le stress est-il la cause de maladies?

De nos jours, comment se fait-il que nous soyons si stressés au point d'en être malades?
Tel est le début de l'interview conduite par PasseportSanté.Net que j'ai découverte lors de quelques recherches concernant l'épuisement professionnel.
Si le contenu était pertinent dans le contexte de ma recherche, j'ai vite regretté que cette information ne soit disponible qu'en format audio. Ainsi, j'ai décidé d'en faire une retranscription européanisée. En effet, les Québécois ne s'expriment pas vraiment dans les mêmes termes que nous.

L'interview est disponible sur le site de PasseportSanté.Net (version mp3)
Journaliste: Carole Boulé (novembre 2010).
Rédactrice en chef de Passeport.Net: Claire Tangué.

Voici donc cette retranscription:


De nos jours, comment se fait-il que nous soyons si stressés au point d'en être malades?
C'est à cette question que répond Sonia Lupien, spécialiste en neurosciences et auteur du livre "Par amour du stress", paru aux éditions Au carré. Sonia Lupien est aussi directrice du Centre d’étude sur le stress humain de l’Hôpital Louis-Hyppolyte Lafontaine de Montréal.

En nous aidant à mieux comprendre comment fonctionne le stress, Sonia Lupien nous explique concrètement ce que signifie "gérer son stress" et nous dit précisément comment le faire.

Interview de Sognia Lupien :
Ce qui me fascine beaucoup, c'est que les gens sont très très bons pour parler de leur stress mais la majorité ne savent pas pourquoi ils sont stressés. Ils ne savent pas l'origine de leurs stresseurs et comme je le dis souvent "si vous ne savez pas où est le mammouth, ca va être assez difficile de le tuer".
Il faut savoir où est le stresseur pour bien l'appréhender.
Je pense que c'est ce qui explique cette méconnaissance du stress, c'est ce qui explique pourquoi l'on en souffre un peu plus aujourd'hui.
Je suis convaincu que si vous comprenez très bien comment fonctionne cette superbe machine là, vous pourrez la contrôler de façon beaucoup plus positive que vous pouvez le faire pour l'instant.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que le cerveau est un détecteur de menace, et comme je le dis souvent, votre cerveau n'a pas été créé pour remplir le formulaire 4.14 sur le coin d'une table mais "il va le faire"... aussi longtemps qu'il ne détectera pas une menace!
Dès qu'il aura détecté une menace, il va vous empêcher de porter attention à toute chose qui n'est pas menaçante pour que vous portiez toute votre attention sur la menace afin que vous soyez capable d'agir face à cette menace (à savoir : vous combattez ou vous fuyez).
Donc le stress est nécessaire à la survie et quand je le ramène dans notre monde contemporain, c'est cette même réponse qui a permis à mon benjamin de ne pas se faire renverser par une voiture alors qu'il courrait après son ballon dans la rue. Il a été capable de s'arrêter en voyant, par exemple, un véhicule arriver en vision périphérique. Sinon, il serait mort.
Nous ne survivrions pas à la vie sans le stress.
Donc le stress, à chaque fois qu'il est aigu, est nécessaire à la survie. Ne laisser donc personne vous dire que le stress est négatif, c'est faux. Si nous n'étions pas stressés, nous serions morts.

Le stress devient négatif lorsqu'il devient chronique, c'est à dire lorsque vous demandez à votre corps, et à votre cerveau, de générer une réponse de stress de façon continue (chronique) dans le temps.
Et ce qui va se passer, c'est qu'à force de générer cette réponse là, les hormones de stress vont avoir un effet potentiellement délétère à la fois sur votre corps et sur votre cerveau.
On a découvert au début des années 70 que ces hormones de stress, que vous produisez pour développer l'énergie nécessaire pour aller tuer votre mammouth, ont aussi la capacité d'accéder au cerveau dans une période de 8 à 10 minutes après qu'elles aient été produites.
Et lorsqu'elles accèdent au cerveau ces hormones ont une préférence marquée pour les régions du cerveau impliquées dans l'apprentissage, la mémoire et la régulation des émotions.
Une idée qui fait actuellement son chemin dans les milieux scientifiques, c'est qu'il a été remarqué qu'à force de remonter au cerveau de façon chronique, ces hormones vont modifier petit à petit la façon dont la prochaine situation sera interprétée. Ainsi, au cours du temps, les perceptions vont être modifiées de telles sortes que le verre deviendrait plutôt à moitié vide qu'a moitié plein.
Note personnelle: autrement dit, à situations ou faits identiques, le sujet fera une interprétation plutôt négative alors qu'une interprétation positive équivalente est également valable. Cette approche accentue encore plus le phénomène de stress/danger.
C'est comme cela que des désordres liées au stress chroniques, des désordres mentaux tels que l'épuisement professionnel ou la dépression, peuvent potentiellement se développer.

Un principe en science, c'est qu'un problème bien défini est déjà à moitié résolu.
Par exemple, vous savez qu'Irène vous stresse, menace votre égo et qu'il ne vous reste absolument rien sous contrôle.
Une fois que vous avez déconstruit votre stresseur, il faut le reconstruire.
Le mot inverse de stress, ce n'est pas la relaxation. Ce n'est pas parce que vous allez dans un spa ce week-end que « Irène qui vous menace l'égo à la machine à café » sera partie.
Elle est encore là et vous attends de pied ferme.
Le mot inverse de stress, c'est la résilience (voir définition en fin d'article). La résilience c'est la capacité d'avoir un plan B, un plan C.
Il faut savoir que 85% des gens ne mettent jamais en action leur plan B. Ce n'est d'ailleurs pas grave. Il y a de plus en plus d'études qui démontrent que le seul fait d'avoir un plan B vous permet de produire moins d'hormones de stress lorsque vous êtes face à la situation. Avoir un plan B vous permet de le rappeler à votre conscience et  de produire moins d'hormones de stress. En fait, c'est comme dire à son cerveau "calme toi mon grand, ton mammouth n'est pas si gros que cela !".
Ainsi, vous augmentez l'impression d'avoir du contrôle sur la situation et c'est tout ce dont le cerveau à besoin pour se dire "bon, si ce n'est pas un mammouth, on va gérer ce problème tranquillement" et produire ainsi moins d'hormones de stress.
Si vous connaissez les mécanismes du stress, vous pouvez utiliser vos connaissances pour calmer le stress et diminuer la réponse hormonale qui peut être délétère à long terme.

Pensez bien que le corps est une magnifique machine pour produire des hormones de stress. Si le corps ne possédait pas des freins, nous serions tous mort depuis longtemps.
Quand vous avez un stresseur et que vous ne faites rien, c'est exactement la même chose que de retirer le pied de l'accélérateur puis d'espérer arrêter au stop.
Vous avez pu avoir votre stresseur à 11h du matin puis à 14h et là vous êtes encore entrain de mobiliser de l'énergie.
Mais si vous respirez du ventre, il n'y a pas cent mille façons de le faire, il n'est pas nécessaire de prendre la position du lotus, le but étant de prendre un maximum d'air et de faire le plus gros ventre possible. Si vous faites cela, vous aller arrêter la réponse de stress car ce faisant vous activez le muscle qui se trouve sous la cage thoracique, le diaphragme. Plus vous rentrez de l'air dans le ventre et plus le diaphragme s'étend. A partir d'un certain niveau d'extension, cela active la réponse vagale parasympathique qui va diminuer les hormones de stress.
Mais déconstruire le stress prend du temps. Cela réclame un cerveau qui n'est pas stimulé par le souper à faire, les enfants, la garderie, etc.
Par contre, si vous attendez tranquillement le soir d'être couché au calme pour y penser, vous aurez toutes vos chances de ruminer à tout cela, à Irène et de ne pas dormir de la nuit.
L'idéal, c'est de prendre une heure par jour, tout seul, sans stimulation. N'allez pas promener avec votre compagne car elle va vous parler (1*). N'allez pas non plus dire à votre conjoint "je vais aller gérer mon stress et je reviens", ce n'est pas non plus ce qu'il faut faire.
1*) Note personnelle : Ce dernier propos choqua mon épouse car elle ne comprenait pas en quoi une promenade à deux pouvait représenter un frein dans ce contexte. Je crois qu'il faut un peu relativiser les propos de Md Lupien, qui a malheureusement usé ici du stéréotype de l'épouse accaparante (qui n'est centrée que sur ses propres problèmes). Toutes les femmes ne correspondent pas à ce stéréotype tout comme chaque couple est différent dans sa dynamique. Une personne à l'écoute et bien avisée peut être de bon conseil et faire des suggestions éclairées. Il n'en reste pas moins qu'il doit aussi s'agir d'un travail personnel et de décisions que le stressé doit embrasser par lui même pour lui même (pour son propre bien). Tous les conseils du monde ne remplaceront jamais la force de conviction que peut avoir les décisions que l'on prends soi-même.
Faite ce que vous voulez, de la couture, du vélo, promenez votre chien, et vous pouvez avoir la garantie qu'endéans les dix minutes, vos stresseurs vont revenir vous hanter l'un après l'autre. Pourquoi? Et bien parce que votre cerveau a détecté une menace. Et quand vos stresseurs sortent, déconstruisez les puis reconstruisez les. Et si vous revenez à la maison sans avoir trouvé de plan B, ce n'est pas grave, oubliez cela, ils reviendront vous hanter demain.
Ainsi, petit à petit, vous allez pouvoir ventiler au fur et à mesure ces situations qui vous stressent et empêcher qu'elles s'accumulent et vous fassent du mal. C'est une bonne façon de chasser les mammouths.
Note personnelle : Se changer les idées et discuter peut permettre de déconstruire ses stresseurs, de leur donner une certaine relativité et d'éventuellement établir un « Plan B ». Les solutions se trouvent aussi lorsque l'on est détendu et que l'on ne les cherchent pas.  A contrario, toujours parler de son problème peut aussi être un désavantage s'il n'y a pas de « plan B » qui en résulte. Dans ce dernier cas, cela entretient simplement le stress en le gardant au premier plan de la vie.

Définition de la résilience (psychologie):

La résilience est, à l'origine, un terme pour expliquer la résistance des matériaux aux chocs. La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l'événement traumatique pour ne plus vivre dans la dépression. La résilience serait rendue possible grâce à la réflexion, à la parole, et à l'encadrement médical d'une thérapie, d'une analyse.
Définition de résilience en psychologie sur Wikipédia.Org

Poper:
Terme québécois utilisé dans l'interview.
le fait, pour un monstre de réapparaitre après avoir été tué.

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